La blockchain quel impact pour les entreprises?

Principalement connue pour son usage autour du Bitcoin, une monnaie virtuelle, la blockchain est pourtant une technologie aux possibilités immenses, qui vont bien au-delà de la finance spéculative. En offrant un moyen sécurisé d’effectuer des transactions sur internet, elle pourrait transformer radicalement l’entreprise telle que nous la connaissons.

Évoquant au pire une obscure technologie au fonctionnement incompréhensible, au mieux un système opaque servant de toile de fond au déploiement du Bitcoin, monnaie virtuelle qui connaît un succès croissant, aux côté des réseaux Ethereum et LiteCoin, le terme « blockchain » a de quoi en rebuter plus d’un.

Pourtant, cette technologie n’est ni aussi compliquée qu’elle y paraît au premier abord, ni cantonnée au milieu de la finance spéculative. Considérée par Marc Andreessen, entrepreneur et investisseur historique de la Silicon Valley, comme l’invention la plus importante depuis celle d’Internet, la blockchain est une technologie ouverte, dont les possibilités d’application sont aussi riches que l’imagination.

Mais reprenons les choses dès le départ : qu’est-ce que la blockchain ? Également baptisée « chaîne de blocs » dans la langue de Molière, elle constitue tout simplement un moyen de stocker et d’échanger l’information. Ainsi, la blockchain n’est ni plus ni moins qu’une base de données hébergée sur Internet.

Où se situe donc la nouveauté ? Traditionnellement, une base de données est stockée sur un serveur central, géré par un acteur indépendant. Seul à jouir d’un accès intégral à celle-ci, il garantit son intégrité. Avec la blockchain, la base de données est distribuée : chaque participant en possède un exemplaire, mis à jour en temps réel sur son ordinateur. La blockchain est donc également transparente : chacun peut à tout moment la consulter, et accéder à l’historique de l’intégralité des transactions effectuées depuis le départ.

Si chacun peut librement consulter et modifier la base de données, comment assurer que personne ne triche et ne porte atteinte à l’intégrité de celle-ci ? Pas de panique. Pour être approuvée, chaque modification doit être validée, via un procédé qui, en l’occurrence, s’avère assez technique, et repose sur l’usage de la théorie des jeux couplé à des techniques cryptographiques avancées. L’essentiel est que chaque modification approuvée devient immédiatement consultable par l’ensemble des participants, et ne peut être hackée ou supprimée, puisqu’elle n’est pas stockée sur un serveur central, mais distribuée sur l’ensemble des postes du réseau.

Dans le cadre du Bitcoin, les données stockées sur la blockchain sont de nature monétaire, mais elle peut être employée pour stocker n’importe quel type d’information : titres de propriété, informations sur des produits de consommation courante, contrats juridiques, et même identité des individus. Comme le résume Donald Tapscott, coauteur, avec son fils Alex, de l’ouvrage non traduit en français Blockchain – How the technology behind bitcoin is changing money, business and the world, « La blockchain est une technologie complexe, mais l’idée est simple. Il s’agit d’une immense base de données, hébergée sur des millions d’appareils à la fois et ouverte à n’importe qui.

Elle permet de stocker non seulement de l’information, mais également n’importe quel type de valeur. Argent, titres, contrats, musique, créations artistiques, découvertes scientifiques, propriété intellectuelle, et même votes peuvent être stockés et échangés de manière sécurisée. Sur la blockchain, la confiance est établie non par des intermédiaires puissants, comme les banques, les gouvernements ou les entreprises des nouvelles technologies, mais par la collaboration à grande échelle et l’usage d’un code intelligent. La blockchain établit intégrité et confiance entre étrangers. Elle rend la triche très difficile. »

Donald Tapscott partage l’avis de Marc Andreessen : selon lui, la technologie qui aura le plus d’impact sur nos vies au cours des dix années à venir ne sera ni le cloud, ni les masses de données, ni le web social, ni même la robotique ou l’intelligence artificielle, mais bien la blockchain.

Si son nom est souvent accolé au Bitcoin, cette monnaie virtuelle qui fêtera bientôt ses dix ans, les applications de la blockchain vont bien au-delà. L’un de ses usages les plus prometteurs repose ainsi sur son usage autour des transactions économiques sur Internet. Bien utilisée, elle pourrait mener à une véritable révolution, transformant radicalement l’entreprise telle que nous la connaissons aujourd’hui, et le visage de l’économie toute entière.

Pour comprendre comment ce changement est possible, il faut d’abord préciser que la blockchain permet l’établissement de relations contractuelles, sous la forme des contrats intelligents (« smart contracts » en anglais). Dans leur ouvrage blockchain Revolution, Donald et Alex Tapscott définissent ceux-ci comme « des programmes informatiques qui sécurisent, imposent et exécutent la mise en place d’accords conclus entre individus et entreprises. » Selon l’informaticien Nick Szabo, qui a effectué de nombreux travaux de recherche sur les contrats intelligents, ils permettent de « satisfaire les conditions contractuelles (paiement, liens, confidentialité, fourniture du service demandé), de minimiser les écarts, intentionnels ou accidentels, ainsi que le besoin d’intermédiaires de confiance. »

Concrètement, les contrats intelligents consistent en une série de règles établies à l’avance, à la suite de l’accord entre les deux parties, encodées dans la blockchain, et qui ne sont automatiquement exécutées qu’une fois que l’ensemble des conditions prévues ont été remplies

Comment ces contrats peuvent-ils transformer les échanges économique ? Prenons l’exemple d’Uber. La raison d’être de l’entreprise est d’assurer le respect du contrat tacite établi entre le chauffeur et le passager lors de chaque course. Uber assure que le premier amène bien le second à bon port. En échange, l’entreprise garantit également, à travers sa plateforme, que le chauffeur est bien rémunéré par l’usager à l’issue de la course, selon le tarif fixé au départ. Sans Uber, la transaction serait incertaine pour les deux parties : le passager pourrait refuser de payer, et le chauffeur n’aurait d’autre choix que de porter plainte au tribunal… En d’autres termes, Uber s’impose comme le tiers de confiance pour faciliter la transaction entre chauffeur et passager.

C’est ici qu’interviennent les contrats intelligents. Avec eux, plus besoin d’une tierce partie comme Uber : chauffeur indépendant et passager sont liés par un contrat intelligent encodé dans la blockchain. Dans un service de VTC qui utiliserait cette technologie, lorsque le passager monte dans le véhicule, le contrat est instantanément déclenché. Une fois le passager amené à bon port, l’argent est automatiquement transféré au chauffeur par le biais du contrat intelligent.

Nous avons choisi l’exemple des VTC, mais la technologie peut s’appliquer à virtuellement n’importe quel type de transaction. Elle peut permettre de louer son appartement à un particulier, sans passer par une plateforme tierce comme Airbnb. Elle autorise une entreprise à établir un contrat avec un consultant, un développeur ou un graphiste situé n’importe où dans le monde, et automatiser le paiement de ce dernier une fois la prestation réalisée.

Tesla rêve d’un futur où les taxis seront des voitures autonomes non utilisées
Elle permet à un musicien de partager ses différentes compositions, avec des conditions d’utilisation spécifiques. Un fan souhaite écouter l’un des morceaux ? L’écoute peut se faire gratuitement. Il souhaite utiliser une partie du morceau pour l’intégrer dans un clip publicitaire ? Il peut le faire en rémunérant l’artiste mille euros, qui seront automatiquement prélevés et transférés grâce au contrat intelligent. Il souhaite utiliser la musique comme sonnerie de portable ? Cela lui coûtera deux euros, qui lui seront encore une fois prélevés automatiquement.

En simplifiant ainsi l’établissement de relations contractuelles entre individus, sans aucune contrainte géographique ni aucun risque de fraude, c’est tout le monde de l’entreprise que la Blockchain promet de révolutionner. Les grosses structures, dont les différentes strates managériales et processus internes ont vocation à sécuriser les transactions et garantir l’intégrité des affaires, n’auront à terme plus vraiment lieu d’être. Des structures de plus petite taille pourraient facilement nouer des relations contractuelles de plus ou moins longue durée avec d’autres entreprises situées dans le monde entier.

L’économie deviendrait instantanément plus fluide et collaborative. Cette nouvelle donne fonctionnerait en synergie avec certaines transformations actuellement en œuvre, dont la mondialisation progressive de l’économie et la part croissante occupée par les travailleurs indépendants dans la population active. D’ici 2020, la moitié des actifs américains travailleront à leur compte.

Lawrence Lundy, directeur de la recherche chez Outlier Ventures, prévoit même la disparition progressive des strates managériales au sein de l’entreprise. « D’ici cinq à dix ans, je pense que les contrats intelligents remplaceront le management intermédiaire. La plupart des processus seront numérisés, et nous aurons des agents capables de prendre des décisions de manière autonome, sans intervention humaine. On peut très bien imaginer une intelligence artificielle soumettant une offre de mission sur la blockchain, étudiant le profil des différents candidats, sélectionnant le meilleur à l’aide d’algorithmes spécifiques, actant la collaboration à l’aide d’un contrat intelligent et rémunérant l’individu une fois la mission terminée.

En somme, on peut complètement automatiser la manière de faire des affaires. Imaginons une flotte de véhicules autonomes dotés chacun d’un portefeuille en Bitcoin, capables de se conduire tout seuls, de prendre des passagers, de collecter leurs paiements et de payer pour leur propre assurance. »

Tout cela ne se fera pas en un jour. D’abord, la technologie à l’œuvre derrière les contrats intelligents n’est pas encore mûre pour un déploiement sur le marché. Ensuite, leur mise en application lancera à coup sûr d’épineuses discussions juridiques : comment coder les principes du droit dans un programme informatique ? Voilà qui promet de nombreux casse-têtes à l’horizon.

Enfin, l’automatisation permise par les contrats intelligents nécessitera de repenser l’organisation de l’économie et de la société dans son ensemble. Faudra-t-il, par exemple, prévoir la mise en place d’un revenu universel pour permettre aux individus menacés par l’automatisation de suivre une formation pour se reconvertir ? Malgré ces difficultés, la blockchain a, selon Donald et Alex Tapscott, le potentiel pour transformer radicalement la société et parachever les promesses nées avec l’avènement d’Internet.

Lors du premier boom économique autour de la toile, dans les années 1990, de nombreux espoirs furent nourris autour de l’avènement d’entreprises plus souples, plus horizontales, plus fluides et moins hiérarchisées. Ces attentes ont, en grande partie, été déçues. Certes, les entreprises des nouvelles technologies, nées avec l’essor de l’Internet, affichent un visage cool et moderne. Mark Zuckerberg porte aujourd’hui le sweat à capuche comme Steve Jobs portait jadis le col roulé. Les start-ups déploient des tables de ping-pong, des fatboys et de grands espaces de travail collaboratif dans leurs locaux, font la promotion active du télétravail et du flex office, où chacun s’installe où bon lui semble plutôt qu’à un bureau attitré…

Mais derrière cette façade qui se veut novatrice, les grandes entreprises qui font le web demeurent structurées par une forte hiérarchie, constituent des empires monopolistiques comme, jadis, la Standard Oil de Rockfeller, et recourent à des méthodes de management classiques. Si les travailleurs de la Silicon Valley ont troqué le costume/cravate contre le jean/t-shirt, la nature de leurs entreprises demeure peu ou prou la même que celle des entreprises traditionnelles. Car si Internet a constitué un formidable outil de partage de l’information, cette technologie n’a pas fourni de moyens pour échanger de la valeur de manière sécurisée.

En offrant un outil ouvert et sûr pour contracter avec n’importe qui dans le monde entier, la blockchain pourrait changer la donne, et avec elle le visage de l’entreprise, de l’économie et de la société tout entière.

Source : https://www.numerama.com/business/271155-comment-la-blockchain-changera-le-visage-de-lentreprise.html

Initial Coin Offering : un changement de paradigme

« Les Initial Coin Offering (ICO) constituent un changement absolument radical vis-à-vis de ce qui s’est fait jusqu’à présent» (Albert Wenger, partner chez Union Square Ventures).

Les ICO, fondées sur la vente de tokens (qui ne représentent pas des parts d’equity mais un droit, par exemple d’usage du futur service), sont un moyen de créer de nouvelles sources de financement pour les entrepreneurs, d’offrir de nouvelles opportunités d’investissement pour les particuliers, et, surtout, de créer de nouveaux business models, aussi bien pour les entrepreneurs que pour les créateurs de protocoles.

Les ICO concurrencent le travail des investisseurs traditionnels, puisque n’importe quel internaute peut décider d’investir dans un projet. Pour Balaji Srinivasan, associé du fonds Andreessen Horowitz, ‘les ICO feront tomber la barrière entre investisseurs professionnels et acheteurs de tokens de la même façon qu’Internet a fait tomber la barrière entre journalistes professionnels d’une part, et blogueurs et utilisateurs de Twitter d’autre part. Internet a permis a chacun de devenir journaliste amateur. Désormais, des millions de gens vont devenir investisseurs amateurs.’

Avec ce système, l’accès au capital se fait de façon plus égalitaire. Un projet démarré en Afrique est sur un pied d’égalité avec un projet démarré dans la Silicon Valley. Du reste, puisque le processus de financement est décentralisé, faire financer son projet par des investisseurs américains n’oblige plus les porteurs de projets à se rendre physiquement aux US. D’un autre côté, l’investissement est lui aussi plus égalitaire, puisque chacun a accès au même ensemble d’investissements.

Surtout, le mécanisme des ICO et des tokens ouvre la voie à de nouveaux business models. Jusqu’alors, figurer parmi les utilisateurs pionniers d’un service numérique n’était pas récompensé ; c’était même le contraire, puisque les grands succès du numérique se sont développés avec l’effet de réseau (selon lequel la valeur d’un service augmente plus que proportionnellement à chaque nouvel utilisateur. Par exemple, BlaBlaCar présentait peu de valeur à ses débuts, puisque très peu de covoiturages étaient proposés ; désormais BlaBlaCar présente un maillage territorial très fin et une quantité d’offres très importante, ce qui rend le service très attractif pour les utilisateurs).

Les ICO bousculent ce paradigme en offrant, via l’émission de tokens, des incitations fortes à rejoindre le réseau le plus tôt possible, au moment où le token lié à ce réseau présente une valeur encore relativement faible (par rapport à ce qu’il pourra valoir ensuite). Ce mécanisme de création de viralité via l’émission de tokens bénéficie donc aux early adopters et encourage (financièrement) les internautes à rejoindre tôt le service.

Les ICO permettront donc à des services numériques d’émerger bien plus facilement, là où les startups tentaient toutes les ruses possibles jusqu’ici pour réduire le blocage de l’effet de réseau (Facebook a commencé en aspirant la base des étudiants d’Harvard pour pouvoir présenter une base qui ne soit pas vierge ; Reddit générait son propre contenu avant que les utilisateurs postent le leur sur la plateforme ; etc.).

Les services numériques ne sont pas les seules à pouvoir profiter des ICO. C’est aussi le cas des protocoles, sur lesquels reposent par exemple les plateformes numériques actuelles. Les protocoles clefs, en particulier celui à l’origine d’Internet (TCP/IP) et du web (HTTP), sont nés du travail de chercheurs. Or la grande majorité des chercheurs qui ont créé ces protocoles en ont tiré très peu de gains financiers directs. La captation de valeur s’est faite au profit des Google, Facebook, etc. Avec la blockchain et son système de tokens, la relation entre protocoles et applications se renverse. Les créateurs d’un protocole peuvent le monétiser directement, et en tirer d’autant plus de bénéfices que d’autres construisent des business par-dessus ce protocole.

C’est la notion de ‘fat protocols’ : avec l’économie des tokens, la valeur se concentre dans la couche protocolaire, et seule une partie de cette valeur est distribuée tout au long de la couche applicative. De ce fait, dans l’univers blockchain, la valeur de marché d’un protocole augmente toujours plus vite que la valeur de marché combinée des applications construites par-dessus. Le créateur originel d’un protocole obtiendra d’autant plus d’argent que le protocole est adopté par un grand nombre d’utilisateurs et qu’il a conservé pour lui certains des tokens du protocole (ce qui lui permettra de les vendre plus cher ensuite).

Vitalik Buterin a ainsi financé le développement initial d’Ethereum via une vente de tokens en 2014, ce qui lui a permis de lever en ether (le token d’Ethereum) l’équivalent de 18 millions de dollars. A l’époque, 1 ether valait 0,145 €. Aujourd’hui, 1 ether vaut plus de 285€ ; une progression astronomique (qui n’en est sans doute qu’à ses débuts) portée par le dynamisme des entrepreneurs construisant des applications au-dessus du protocole lui-même. Vitalik Buterin et son équipe ayant bien entendu conservé un grand nombre d’ethers, leur force de frappe financière est aujourd’hui considérable.

Avec les ICO et plus profondément les tokens, les règles traditionnelles de l’économie numérique sont renversées. Un nouveau web, que certains appellent web 3.0, fondé sur une logique de décentralisation, est en train d’émerger…

(Source IcoMentor)

L’Economie collaborative

Est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi consiste exactement la 3e révolution industrielle?

Jeremy Rifkin: Nous sommes actuellement à l’aube d’un nouveau paradigme économique. Pour le comprendre, il faut s’intéresser aux précédents changements de paradigme économique qui ont eu lieu au cours de l’histoire. Ce qui est intéressant c’est que, quand vous les analysez, ils partagent tous un dénominateur commun. A chaque fois, ils ont eu lieu grâce à l’émergence et la convergence de trois innovations technologiques qui créent au final une nouvelle manière d’organiser l’activité économique. La première innovation c’est celle des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui permettent de gérer plus efficacement l’activité économique. La deuxième concerne les nouvelles sources d’énergie qui permettent de mettre en oeuvre l’activité économique. Et enfin, la troisième ce sont les nouveaux moyens de transports qui améliorent la circulation de l’activité économique. Quand ces trois nouvelles technologies convergent, elles changent fondamentalement la manière dont s’articule l’activité économique.

Par exemple, la 1ère révolution industrielle a pu naître au 18e siècle en Grande-Bretagne grâce au développement de la machine à vapeur, avec le charbon, et du télégraphe qui ont pu révolutionner les transports et alphabétiser en masse la population. La productivité a beaucoup augmenté et les marchés se sont élargis. La 2e révolution industrielle aux Etats-Unis au 20e siècle est aussi le résultat de la convergence d’innovations dans l’énergie, le transport et la communication avec la création du téléphone, de la radio et de la télévision, de centrales électriques et du moteur à explosion utilisant le pétrole. Ont pu alors se développer des voitures, des bus, des camions… Cette 2nde révolution industrielle a traversé tout le 20e siècle mais a atteint son apogée en juillet 2008. Ce mois a constitué le grand tremblement de terre économique qui a engendré ensuite une grande récession. Depuis cette date, on assiste au crépuscule de cette 2e révolution industrielle basée sur les énergies fossiles et des télécommunications centralisées.

Et quelles sont les nouvelles convergences aujourd’hui ?

Aujourd’hui , nous commençons donc à voir émerger une 3e révolution industrielle où convergent des innovations dans les secteurs de l’énergie, de la communication et de transport. Internet, en tant que moyen de communication, converge ainsi avec les énergies renouvelables, produites de manière décentralisées, et de nouveaux modes de transports, sans conducteur et guidés uniquement par des GPS. Les trois réunis forment ce que l’on appelle l’Internet des Objets. Encore méconnu, ce concept repose sur la numérisation des transports, de l’énergie et de la communication avec la multiplication de capteurs qui gèrent des données et communiquent entre eux. D’ici 2030, je pense que tout sera connecté et que l’on pourra ainsi tout gérer depuis un réseau externe. Chacun pourra alors s’y connecter et participer à l’activité économique sans avoir recours aux grandes organisations verticales que constituent les entreprises comme ce fut le cas lors de la 1ère et 2e révolution industrielle. Tout un chacun aura une vision transparente de ce qui se passe dans le monde.

Ceci étant dit, l’Internet des objets tel que je le conçois, où tout est relié, soulève des questions très importantes. Comment s’assurer de la neutralité du réseau? Comment pouvons-nous être certains que les gouvernements et les entreprises ne vont pas essayer de monopoliser ce domaine à des fins politiques ou commerciales? Comment pouvons-nous protéger notre vie privée et la sécurité de nos données? Comment pouvons-nous lutter contre la cybercriminalité et le cyber-terrorisme? En supposant que nous pouvons répondre à ces questions, cette plateforme sera formidable car chacun d’entre nous pourra avoir un impact sur l’activité économique en faisant partie intégrante de la chaîne de valeur. Un individu pourra stocker de l’énergie, produire des biens et services, les consommer et jusqu’à les recycler. Il pourra par exemple créer facilement sa propre application. La productivité va grandement s’améliorer tout en réduisant de manière importante le coût marginal. Un nombre important de biens et de services vont même s’approcher d’un coût marginal zéro. Ils deviendront gratuits et sortiront donc du circuit économique classique. C’est ce qu’on appelle l’économie collaborative. Il s’agit du premier nouveau système économique à émerger depuis l’avènement du capitalisme et du socialisme dans les années 1970. Même si cette économie collaborative peut paraître encore balbutiante, elle n’en demeure pas moins importante car elle oblige le système capitaliste à changer. En effet, ce que nous observons c’est l’émergence d’un système hybride avec d’un côté l’économie de marché, dit capitalistique, et de l’autre l’économie de partage, fondée sur les biens et services quasi-gratuits. Je considère que d’ici 35 ans, ce système dual sera arrivé complètement à maturité.

(Extrait interview J.Rifkin- Challenges)

La transformation numérique

Le potentiel valeur de la transformation numérique est considérable, à la fois pour les entreprises et pour l’économie française dans son ensemble puisque, au-delà de sa valeur ajoutée estimée aujourd’hui à 110 Md€, le numérique génère un surplus de valeur pour le consommateur atteignant l’équivalent de 13 Md€ annuels. D’ici 2020, la France pourrait accroître la part du numérique dans son PIB de 100 Md€ par an, à la condition que les entreprises accélèrent nettement leur transformation numérique. Plus largement, l’impact potentiel des technologies numériques disruptives (cloud computing, impression 3D, internet des objets, Big Data…) s’élève à près de 1 000 milliards d’euros en France d’ici à 2025, en prenant en compte la création de valeur ajoutée et le surplus de valeur dont bénéficient les consommateurs. (Source McKinsey)