Initial Coin Offering : un changement de paradigme

« Les Initial Coin Offering (ICO) constituent un changement absolument radical vis-à-vis de ce qui s’est fait jusqu’à présent» (Albert Wenger, partner chez Union Square Ventures).

Les ICO, fondées sur la vente de tokens (qui ne représentent pas des parts d’equity mais un droit, par exemple d’usage du futur service), sont un moyen de créer de nouvelles sources de financement pour les entrepreneurs, d’offrir de nouvelles opportunités d’investissement pour les particuliers, et, surtout, de créer de nouveaux business models, aussi bien pour les entrepreneurs que pour les créateurs de protocoles.

Les ICO concurrencent le travail des investisseurs traditionnels, puisque n’importe quel internaute peut décider d’investir dans un projet. Pour Balaji Srinivasan, associé du fonds Andreessen Horowitz, ‘les ICO feront tomber la barrière entre investisseurs professionnels et acheteurs de tokens de la même façon qu’Internet a fait tomber la barrière entre journalistes professionnels d’une part, et blogueurs et utilisateurs de Twitter d’autre part. Internet a permis a chacun de devenir journaliste amateur. Désormais, des millions de gens vont devenir investisseurs amateurs.’

Avec ce système, l’accès au capital se fait de façon plus égalitaire. Un projet démarré en Afrique est sur un pied d’égalité avec un projet démarré dans la Silicon Valley. Du reste, puisque le processus de financement est décentralisé, faire financer son projet par des investisseurs américains n’oblige plus les porteurs de projets à se rendre physiquement aux US. D’un autre côté, l’investissement est lui aussi plus égalitaire, puisque chacun a accès au même ensemble d’investissements.

Surtout, le mécanisme des ICO et des tokens ouvre la voie à de nouveaux business models. Jusqu’alors, figurer parmi les utilisateurs pionniers d’un service numérique n’était pas récompensé ; c’était même le contraire, puisque les grands succès du numérique se sont développés avec l’effet de réseau (selon lequel la valeur d’un service augmente plus que proportionnellement à chaque nouvel utilisateur. Par exemple, BlaBlaCar présentait peu de valeur à ses débuts, puisque très peu de covoiturages étaient proposés ; désormais BlaBlaCar présente un maillage territorial très fin et une quantité d’offres très importante, ce qui rend le service très attractif pour les utilisateurs).

Les ICO bousculent ce paradigme en offrant, via l’émission de tokens, des incitations fortes à rejoindre le réseau le plus tôt possible, au moment où le token lié à ce réseau présente une valeur encore relativement faible (par rapport à ce qu’il pourra valoir ensuite). Ce mécanisme de création de viralité via l’émission de tokens bénéficie donc aux early adopters et encourage (financièrement) les internautes à rejoindre tôt le service.

Les ICO permettront donc à des services numériques d’émerger bien plus facilement, là où les startups tentaient toutes les ruses possibles jusqu’ici pour réduire le blocage de l’effet de réseau (Facebook a commencé en aspirant la base des étudiants d’Harvard pour pouvoir présenter une base qui ne soit pas vierge ; Reddit générait son propre contenu avant que les utilisateurs postent le leur sur la plateforme ; etc.).

Les services numériques ne sont pas les seules à pouvoir profiter des ICO. C’est aussi le cas des protocoles, sur lesquels reposent par exemple les plateformes numériques actuelles. Les protocoles clefs, en particulier celui à l’origine d’Internet (TCP/IP) et du web (HTTP), sont nés du travail de chercheurs. Or la grande majorité des chercheurs qui ont créé ces protocoles en ont tiré très peu de gains financiers directs. La captation de valeur s’est faite au profit des Google, Facebook, etc. Avec la blockchain et son système de tokens, la relation entre protocoles et applications se renverse. Les créateurs d’un protocole peuvent le monétiser directement, et en tirer d’autant plus de bénéfices que d’autres construisent des business par-dessus ce protocole.

C’est la notion de ‘fat protocols’ : avec l’économie des tokens, la valeur se concentre dans la couche protocolaire, et seule une partie de cette valeur est distribuée tout au long de la couche applicative. De ce fait, dans l’univers blockchain, la valeur de marché d’un protocole augmente toujours plus vite que la valeur de marché combinée des applications construites par-dessus. Le créateur originel d’un protocole obtiendra d’autant plus d’argent que le protocole est adopté par un grand nombre d’utilisateurs et qu’il a conservé pour lui certains des tokens du protocole (ce qui lui permettra de les vendre plus cher ensuite).

Vitalik Buterin a ainsi financé le développement initial d’Ethereum via une vente de tokens en 2014, ce qui lui a permis de lever en ether (le token d’Ethereum) l’équivalent de 18 millions de dollars. A l’époque, 1 ether valait 0,145 €. Aujourd’hui, 1 ether vaut plus de 285€ ; une progression astronomique (qui n’en est sans doute qu’à ses débuts) portée par le dynamisme des entrepreneurs construisant des applications au-dessus du protocole lui-même. Vitalik Buterin et son équipe ayant bien entendu conservé un grand nombre d’ethers, leur force de frappe financière est aujourd’hui considérable.

Avec les ICO et plus profondément les tokens, les règles traditionnelles de l’économie numérique sont renversées. Un nouveau web, que certains appellent web 3.0, fondé sur une logique de décentralisation, est en train d’émerger…

(Source IcoMentor)

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